Le multilatéralisme du Canada est au coeur de sa politique étrangère

Le multilatéralisme du Canada

Le bilatéralisme et le multilatéralisme sont deux moyens d’approcher les relations internationales du Canada. Elles se ressemblent grandement. Pour réduire à sa plus simple expression ces deux concepts, on peut dire que des relations bilatérales se font entre deux pays, par exemple entre le Canada et les États-Unis, tandis que les relations multilatérales se font entre trois pays ou plus, comme les relations entre le Canada, les États-Unis et le Mexique dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Toutefois, ces concepts peuvent se complexifier facilement en y ajoutant plusieurs nuances.

Le Canada et le bilatéralisme

D’abord les relations bilatérales entre deux États peuvent toucher une multitude de sujets les plus divers. Ces relations peuvent être strictement d’ordre commercial comme le récent accord de libre-échange que le Canada a signé avec la Corée du Sud. Ils peuvent aussi toucher le domaine de la défense comme le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Elles peuvent aussi être d’ordre universitaire comme la relation que le Canada entretien avec la France en se qui concerne la mobilité des jeunes étudiants. Bref les relations bilatérales peuvent toucher des sujets divers avec des pays tout aussi différents.

Même si les relations ne se font qu’avec deux États, la marge de manœuvre de chacun n’est pas égale et l’intérêt porté de part et d’autre peut grandement varier. Les négociations s’en voit alors complexifiées comme par exemple dans le cas du NORAD. Le poids démographique, économique et militaire des États-Unis en font le poids lourd de cette alliance. Ainsi, la marge de manœuvre du Canada s’en voit d’autant réduite. Cependant, cette lattitude réduite ne signifie pas que l’accord ne peut pas être bénéfique au deux parties.

L’approche multilatérale du Canada

La notion de multilatéralisme est plus complexe parce que ces relations peuvent prendre les formes les plus diverses. Par exemple l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui est l’organisation internationale par excellence. Cette organisations compte 193 pays et ces pays ont tous le même poids en terme de vote à l’Assemblée générale. Il va sans dire que la marge de manœuvre et l’influence d’un pays se voit considérablement réduites peu importe sa puissance initiale.

Le Canada, à l’instar de nombreux petits pays, est traditionnellement un partisan enthousiaste du multilatéralisme. Il est généralement considéré comme plus avantageux et moins dangereux que les relations bilatérales. Comme il a été dit précédemment, les liens multilatéraux peuvent prendre des formes multiples : organisations ouvertes comme l’ONU certes mais aussi ses organes subsidiaires tels l’Organisation mondiale de la santé ou l’Organisation mondiale du Travail. Le Canada est membre de presque toutes les organisations universelles. C’est-à-dire celles qui sont ouvertes à tous les États du monde.

Les organisations conditionnellement ouvertes et les coalitions sont une autre forme que peut prendre les relations multilatérales. Les coalitions se caractérisent par des «ententes plus ou moins formelles et temporaires entre un certain nombre d’États et constituées pour atteindre un objectif précis […] le Canada fait partie, ou a déjà fait partie, de bon nombre de ces coalitions.»

Un multilatéralisme plus complexe

Les organisations restreintes et les alliances forment le troisième genre de lien multilatéraux. Il est plus difficile d’entrer dans ce genre d’organisations et elles sont généralement plus contraignantes et comportent plus d’obligations. Ainsi, elles ont davantage d’influence sur les grandes orientation de la politique étrangère d’un pays. Le Canada fait partie de certains de ces organisations comme par exemple le G8 ou l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN)

Au Canada, le multilatéralisme est plus complexe que le bilatéralisme parce qu’il peut prendre différentes formes, que ses relations sont souvent contraignantes et que le poids relatif des participants peut être considérablement réduits lorsque le nombre de membres grossi. Ces relations peuvent être aussi ad hoc ou permanentes. Toujours est-il que malgré le degré de complexité accru, de nombreux pays souhaitent faire partie de ce genre d’organisations.

Canada : Une rupture avec le gouvernement Harper?

Certains sont d’avis que la gouvernance de Stephan Harper détonne avec la tradition du multilatéralisme canadien. Cette approche a caractérisée le pays durant une grande partie du vingtième siècle. D’autres diront que «le multilatéralisme est, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, une voie privilégiée par les dirigeants canadiens pour conduire la politique étrangère». Est-ce vraiment le cas? Sommes-nous devant un changement réel de culture politique qui fait contraste avec l’autre grand parti politique qui a dirigé les affaires du pays?

Un acteur important du multilatéralisme

Il est vrai que le Canada fut un membre fondateur important de l’Organisation des Nations Unies, qu’il n’a que très rarement fait cavalier seul dans des dossiers d’importance et que la voie multilatérale fut privilégiée à de nombreuses reprises. Par exemple, le Canada fait partie, ou a déjà fait partie, de bon nombre de coalitions multilatérale. Il a refusé de participer à des interventions militaires qui n’avait pas une large légitimité internationale comme par exemple la guerre d’Irak.

Depuis le début du siècle, le Canada a participé à quatre grandes coalitions militaires ad hoc réunissant un grand nombre d’États sans autre véritable intérêt commun que de repousser une agression (à l’exception des opérations au Kosovo en 1999 et en Afghanistan depuis 2002, menées dans le cadre de l’Alliance atlantique).

Le Canada dans les organisations multilatérales

Côté multilatéralisme, le Canada est très bien représenté dans de nombreuses organisations internationales. L’ONU, l’Organisation internationale de la Francophonie, G20 ainsi que le Commonwealth pour en nommer quelques unes. Au travers ces organisations, le Canada est parvenu à influencer plusieurs politiques mondiales au delà de sa réelle capacité d’action. Toutefois, pouvons-nous dire que le gouvernement conservateur présentement en place a changé radicalement de cap?

Il est vrai que les Conservateurs ont multiplié les accords bilatéraux dans de nombreux domaines, principalement économiques et commerciales. On peut donner l’exemple de l’accord de libre-échange avec la Corée du Sud ou celui avec l’Union européenne pour appuyer cette thèse.

Or, on peut dire que le gouvernement Harper ne cherche plus le compromis à tous prix comme le faisait ses prédécesseurs. Il n’hésite pas à briser ses engagements lorsqu’il juge que ceux-ci sont trop contraignants et qui nuisent aux intérêts canadiens. Les accords du protocole de Kyoto en est une bonne illustration. On peut aussi citer le ministre des affaires étrangères John Baird qui a dit lors d’un de ses discours à l’Assemblée générale de l’ONU que l’organisation était un moyen d’atteindre ses objectifs et non pas une fin en soi.

Toujours est-il que le Canada continue de jouer un rôle important à l’échelle internationale à travers de nombreuses organisations internationales. Bien que les Conservateurs ne semblent pas aussi enclin à privilégier la voie multilatérale, quitter le G8, le G20 ou même l’ONU n’est pas du tout d’actualité.

Le multilatéralisme, une option parmi d’autres

D’autre part, le Canada a toujours entretenu des relations bilatérales avec de nombreux pays. Notamment les États-Unis en tête, bien avant que Stephan Harper ne devienne premier ministre du pays. Toutefois, il est juste de dire que ces actions bilatérales semblent être plus privilégiées par rapport à l’ère Chrétien.

Malgré cela, le Canada continue de faire front commun lorsqu’un groupe d’États semble avoir le même objectif que lui. Nous pouvons donner l’exemple de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Particulièrement depuis les récents évènements qui bousculent l’Ukraine. Dans ce dossier, le Canada est au même diapason que la plupart des pays d’Europe. Les Canadiens participent activement à une mission de surveillance spéciale chapeauté par l’organisme.

Au fond, il serait plus juste de dire que le réel changement réside dans le fait que le multilatéralisme est devenu un moyen pour atteindre les objectifs fixés. Le multilatéralisme est devenu « à la carte» plutôt qu’un passage obligé dans la politique étrangère du Canada.

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