Le chef conservateur joue sa survie en ce moment même alors qu’une pétition remettant son leadership en question est lancée. Bien qu’il y ait toujours un bilan après une défaite, la seule question que les stratèges conservateurs se poseront quant à son avenir est de savoir s’il sera capable de remporter le prochain scrutin. Malheureusement pour lui, cela semble peu probable.
C’est immanquable, la question du chef refait toujours surface après une défaite électorale. Même si Erin O’Toole a déjà annoncé son intention de rester en place et qu’il compte déjà quelques appuis, la dissension ont déjà présente et le chef conservateur n’aura d’autres choix que d’y mettre un terme rapidement s’il compte garder son poste.
O’Toole a bien quelques éléments positifs à mettre à son bilan : comme Andrew Scheer avant lui, son parti est arrivé premier dans les intentions de vote à l’échelle nationale et la formation a même fait des gains au Nouveau-Brunswick (+1), en Nouvelle-Écosse (+2) et en Ontario (+1) en plus de faire une percé à Terre-Neuve avec un premier député.
Néanmoins, les bonnes nouvelles s’arrêtent là. La stratégie de recentrage qu’O’Toole a imposé au parti montre déjà ses limites. Le chef centriste d’Ontario fait à peine mieux que son prédécesseur pro-vie de l’Ouest…
Ce recentrage n’est pas non plus sans conséquence et il ne pourra pas aller plus loin sans mettre à mal la cohésion de la formation politique. Chaque vote gratté au centre risque maintenant d’être perdu à droite tandis que plusieurs purs et durs sont déjà passés au Parti populaire et son relatif bon score lors de la dernière élection écarte dorénavant sa disparition dans un avenir proche.
Bien que cela ait peu d’impact dans les provinces de l’Ouest où les conservateurs l’emportent par des marges plus que confortables, la défection des inflexibles est potentiellement dramatique dans les comtés serrés où la formation conservatrice se doit de faire des gains si elle espère reformer le gouvernement. L’élastique idéologique est déjà trop tendu et risque de rompre.
Pour sa défense, il est vrai que le chef conservateur n’a eu qu’un an pour se faire connaître du grand public et que la débâcle sanitaire de l’Alberta, avec à sa tête le premier ministre conservateur Jason Kenney, moins d’une semaine avant le jour du scrutin ne pouvait pas arriver à un pire moment.
Toutefois, son adversaire libéral avait également son lot de problèmes; une élection que personne ne voulait qui suintait l’opportunisme, les déficits abyssaux des deux derniers budgets, les couacs de livraison au début de la campagne de vaccination ou les largesses de la PCU/PCRE… les munitions étaient nombreuses pour attaquer.
Malgré le fait que le premier ministre sortant était Justin Trudeau et qu’il a maintenant un bilan de six ans à défendre, c’était bien Erin O’Toole qui était sur la défensive. Incapable d’imposer ses thèmes, son rythme, il marcha sur des œufs tout au long de la campagne par peur de commettre des erreurs.
Lors des débats, on pouvait lui bien pardonner son manque de combativité dans des affrontements qui se déroulaient dans une langue qu’il maitrisait mal, mais O’Toole a affiché la même passivité lors de son débat en anglais. En résumé, le chef conservateur ne semble pas avoir le charisme ni la niaque nécessaire pour l’emporter.
Les élections se gagnent avec des idées, certes, mais également avec de l’émotion et les stratèges conservateurs devront en prendre acte. Stephan Harper a réussi contre des adversaires libéraux tout aussi terne que lui (Martin, Dion, Ignatieff), mais il s’est incliné contre un Justin Trudeau capable de susciter de l’émotion.
Mince consolation pour O’Toole: trouver un remplaçant combatif, dynamique et capable de séduire l’électorat d’un océan à l’autre semble être une tâche ardue pour les conservateurs alors que bien peu de candidats potentiels cochent toutes les cases.