Pour expliquer les règles de droit international qui s’appliquent lors de l’expulsion de diplomates, nous prendront comme exemple le cas américain où le Président Obama a expulsé 35 diplomates russes. Était-ce légal du point de vue du droit internationale?
Pour faire court, oui, la décision du président américain Barack Obama d’expulser 35 agents diplomatiques russes du territoire américain en riposte aux soupçons d’ingérence dans les élections américaines de la part de Moscou en les déclarant persona non grata est conforme au droit international et oui, le président américain agissait dans son droit, conformément au droit international.
Les règles entourant les agents diplomatiques et consulaires sont codifiées par la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires. Celles-ci codifient en grande partie des solutions et des pratiques du droit coutumier.
L’article 9 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques est très clair quant au droit de déclarer du personnel diplomatique persona non grata :
1. L’Etat accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver sa décision, informer l’Etat accréditant que le chef ou tout autre membre du personnel diplomatique de la mission est persona non grata ou que tout autre membre du personnel de la mission n’est pas acceptable. L’Etat accréditant rappellera alors la personne en cause ou mettra fin à ses fonctions auprès de la mission, selon le cas. Une personne peut être déclarée non grata ou non acceptable avant d’arriver sur le territoire de l’Etat accréditaire.
2. Si l’Etat accréditant refuse d’exécuter, ou n’exécute pas dans un délai raisonnable, les obligations qui lui incombent aux termes du paragraphe 1 du présent article, l’Etat accréditaire peut refuser de reconnaître à la personne en cause la qualité de membre de la mission.
Dans la même veine, l’article 23 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires est tout aussi explicite sur le droit du président américain à déclarer les agents diplomatiques russes persona non grata:
1. L’Etat de résidence peut à tout moment informer l’Etat d’envoi qu’un fonctionnaire consulaire est persona non grata ou que tout autre membre du personnel consulaire n’est pas acceptable. L’Etat d’envoi rappellera alors la personne en cause ou mettra fin à ses fonctions dans ce poste consulaire, selon le cas.
2. Si l’Etat d’envoi refuse d’exécuter ou n’exécute pas dans un délai raisonnable les obligations qui lui incombent aux termes du paragraphe 1 du présent article, l’Etat de résidence peut, selon le cas, retirer l’exequatur à la personne en cause ou cesser de la considérer comme membre du personnel consulaire.
3. Une personne nommée membre d’un poste consulaire peut être déclarée non acceptable avant d’arriver sur le territoire de l’Etat de résidence ou, si elle s’y trouve déjà, avant d’entrer en fonctions au poste consulaire. L’Etat d’envoi doit, dans un tel cas, retirer la nomination.
4. Dans les cas mentionnés aux paragraphes 1 et 3 du présent article, l’Etat de résidence n’est pas tenu de communiquer à l’Etat d’envoi les raisons de sa décision.
Autrement dit, le président américain est dans son droit d’accepter ou non du personnel diplomatique ou consulaire d’autres pays ou de les déclarer persona non grata comme bon lui chante. Il n’a pas à donner de raison ni à justifier son geste. Donc le fait de les expulser en raison des soupçons d’ingérence dans les élections américaines du Kremlin ne doit pas être pris en compte pour juger de la légalité du geste au point de vue du droit international. La seule question de droit à se poser dans cette affaire est de savoir si le délai de 72 heures pour quitter le pays avec les membres de leur famille était un délai raisonnable ou pas.
La conséquence de déclarer une personne persona non grata est que l’État accréditaire, les États-Unis dans ce cas-ci, peut retirer l’immunité diplomatique et consulaire aux personnes visées. Or, le but des immunités diplomatiques est d’assurer «l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentant des États».
Le fondement de cette immunité repose sur des nécessités fonctionnelles avant tout «parce qu’il représente son État à l’étranger, il est important que l’agent diplomatique puisse agir en pleine liberté et en pleine indépendance, dans les limites tracées par le droit international, et qu’il n’ait rien à craindre pour sa sûreté ou son honneur».
De ce fait, l’agent diplomatique jouit d’une immunité absolue devant les instances criminelles de l’État accréditaire mais relative devant ses tribunaux civils et administratifs. Par exemple, les Américains ne pourraient pas poursuivre les diplomates russes devant les tribunaux criminels, mais il pourrait de servir des tribunaux administratifs par exemple pour suspendre leurs visas et les former à quitter le pays.
Étant donné que les relations diplomatiques reposent sur une base purement consensuelle, l’État accréditant, dans ce cas la Russie, n’a pas d’autre choix alors que de rappeler la personne en cause car s’il ne le fait pas, l’État accréditaire peut refuser de reconnaître à cette personne la qualité de membre de la mission diplomatique. Si l’immunité est levée, les États-Unis pourront expulser ces personnes par tous les moyens disponibles par exemple en suspendant leurs documents de séjour.