Bien que l’annonce de Dominique Anglade à propos de son voyage de dernière minute à destination de Kuujuaq laisse plusieurs analystes perplexes, celle-ci a le mérite de porter notre attention sur un sujet peu abordé lors de la campagne, l’importance de nos territoires nordiques.
Il faut dire que le Grand Nord québécois n’est pas particulièrement intéressant en terme de siège. Bien que les circonscriptions de Duplessis et d’Ungava couvrent plus de 75% du territoire québécois à elles seules, celles-ci comptent à peine 1% de la population et n’envoient que deux députés à l’Assemblée nationale.
Nos territoires au nord du 49e parallèle sont centraux d’un point de vue géostratégique et les opportunités vont au-delà du secteur minier ou hydroélectrique. C’est sans compter que leur importance risque de s’accroitre avec le temps et les réchauffements climatiques qui apporteront leur lot de défis, mais également certaines opportunités pour la région. Or, ces enjeux semblent avoir passé sous les radars des formations politiques lorsque nous lisons les programmes.
Historiquement, c’est le Parti libéral du Québec qui semble avoir le mieux mesuré l’importance de développer notre territoire nordique. Nous pouvons penser à l’ancien premier ministre Robert Bourassa qui a lancé le projet hydroélectrique de la Baie-James, son «projet du siècle», qui demeure un de ses legs politiques majeurs, et plus récemment, au Plan Nord de Jean Charest pour constater que ce parti a toujours eu une certaine vision pour cette région.
Malgré son voyage à Kuujuaq, la place qu’occupe le Grand Nord québécois dans le programme Le livre libérale 2022 est anecdotique. En fait, le seul engagement pris est d’améliorer l’«accessibilité à la justice dans le nord du Québec, particulièrement pour les communautés autochtones».
Miser sur les communautés locales semble être la stratégie aussi chez Québec solidaire. Dans le programme, la formation s’engage à améliorer l’accès aux services juridiques «spécialement pour la population du Grand Nord, en collaboration avec les populations concernées» et va plus loin en proposant la création «un corps de surveillance des territoires nordiques comprenant des membres de la communauté des premiers peuples et des inuit.e.s». En matière d’infrastructures, les engagements solidaires consistent à la construction de 1000 logements dans le Nord-du-Québec au cours d’un premier mandat.
Ironiquement, bien que le Parti Québécois ait l’ambition de faire du Québec un État, celui-ci a bien peu de projets à court terme pour les territoires nordiques qui constitueront pourtant l’essentiel des terres d’un Québec souverain. Aucune mention de la région dans son programme Projet national mise à part d’une vague allusion aux territoires nordiques «dans l’optique de protéger la biodiversité qui est au cœur du patrimoine naturel du Québec».
Peu de choses du côté des conservateurs étant donné que la formation n’étaye pas sa vision pour la région dans son programme. Le PCQ compte toutefois stimuler le domaine minier, dont le Grand Nord regorge d’opportunités, en révisant le système de redevances «afin de permettre aux collectivités concernées de recevoir leur part de ces revenus» et le parti reste ouvert à de nouveaux projets hydroélectriques.
De son côté, la CAQ a élaboré le Plan d’action nordique qui a structuré l’action du gouvernement au cours des dernières années. La formation a ainsi annoncé un projet 300 nouveau logements en Jamésie en 2019 et quelques projets plus structurants comme un plan de modernisation des infrastructures routières et aéroportuaires du Nord-du-Québec qui prévoit entre autres l’asphaltage de plusieurs tronçons et une somme de 50M$ consacré à la région du Nunavik qui servira à moderniser l’aéroport de Salluit
Plus que quelques heures avant le jour du scrutin, il est toujours temps pour les différents partis de nous partager leur vision concernant nos territoires nordiques. Espérons que le voyage de Dominique Anglade brise la glace.